Étudiant de 1ère année en fauteuil roulant à l'ISCOM, sur le campus de Paris, Baptiste Fera revient sur son intégration et sur son tout premier stage en entreprise, au sein du groupe TF1.
Qui es-tu et quel est ton parcours ?
Je m’appelle Baptiste Féra, j’ai 18 ans et je suis étudiant en 1ère année du Programme Grande École à l’ISCOM.
Avant cela, j’étais en Terminale ES au lycée EREA Toulouse-Lautrec de Vaucresson, dans les Hauts-de-Seine. Le lycée dans lequel j’étais n’est pas un établissement d’enseignement ordinaire : il s’agit d’un lycée accueillant des personnes en situation de handicap mais aussi des personnes sans handicap. J’adorais la mixité qu’offrait cet établissement. Nous étions une quinzaine par classe, ce qui change des effectifs que l’on peut voir dans d’autres lycées.
Je fais partie des élèves qui ont obtenu leur bac dit « Covid », donc en contrôle continu
Accepterais-tu de nous en dire plus sur ton handicap ?
J’ai une maladie génétique de naissance : l’Amyotrophie Spinale de type 3. Cette maladie neuromusculaire est évolutive, ce qui signifie qu’elle se développe avec le temps. J’ai pu marcher jusqu’à mes 10 ans.
En fin de CM2, mes parents et moi avons convenu qu’il fallait que je m’oriente vers un collège adapté à mon handicap, puisqu' aucun collège de ma ville n’était en mesure de m’accueillir. Au fur et à mesure des années, la maladie est restée assez stable et depuis trois ans je suis un traitement à l’hôpital de Garches.
Ce traitement est sous forme d’injections, tous les quatre mois, dans la moelle épinière. Il a pour but de stopper l’évolution de la maladie et me permettre de récupérer la force que j’avais avant. Par « force », j’entends la force du quotidien : celle qui permet de se servir un verre d’eau, de me faire à manger etc… sans difficulté ni aide. Sans oublier d’être le plus autonome possible dans mon logement étudiant puisque je vis seul.
Comment as-tu vécu tes premiers mois à l'ISCOM ?
Honnêtement très bien, que ça soit en termes d’accessibilité ou de vie étudiante.
Avant de nous rejoindre, avais-tu des craintes liées à ton intégration ?
Effectivement, j’avais de l’appréhension car je sortais d’un « cocon » où mes camarades étaient soit des personnes en situation de handicap soit des personnes qui connaissaient le handicap. Je ne savais pas vraiment à quoi m’attendre.
J’avais cependant la chance d’être déjà en lien avec une étudiante de deuxième année à l’ISCOM, Chiara Kahn, elle aussi en fauteuil, qui a pu me rassurer.
Ma rencontre avec Julien Guerrand, Responsable pédagogique des premières années à l’ISCOM, m’a aussi permis de me rendre compte que mon handicap n’était pas du tout un frein à mon intégration et à ma scolarité. Les visites des locaux avant la rentrée m’ont rassuré sur l'accessibilité (ascenseurs, toilettes assez grandes…).
En termes de relations avec les étudiants de ma classe, je n’avais pas de doutes car je me connais. Je sais mettre à l’aise et dédramatiser mon handicap et puis je suis drôle (rires).
Quel a été ton ressenti vis à vis des étudiants/intervenants ?
Je connais les préjugés ou les peurs que peut engendrer mon fauteuil pour les personnes qui ne connaissent pas le handicap. C’est pour ça que dès la première journée d’intégration, j’ai mis à l’aise toute la classe.
Avec les intervenants, tout s’est également bien déroulé car j’ai pu être très transparent sur mes besoins, comme l’utilisation d’un ordinateur ou d'un tiers temps pour mes partiels.
De façon générale, je veux être considéré comme n’importe quel autre étudiant de la classe !
Tu as été en stage dans le Groupe TF1 pour deux mois. Comment cela s’est-il déroulé ?
J’ai pris contact avec la chargée mission handicap du Groupe TF1 sur LinkedIn pour savoir si un stage dans leur service communication était envisageable. L’avantage des grandes entreprises, c’est qu’il y a des lois qui les obligent à accueillir des personnes handicapées. Par conséquent, beaucoup ont des politiques RSE concernant l’inclusion d’employés en situation de handicap.
J’ai trouvé les responsables des différents pôles très bienveillants, j’ai sympathisé avec beaucoup d’entre eux, notamment la directrice de la communication du Groupe TF1, sans oublier mes déjeuners à la cantine de TF1 avec des alternants de l’ISCOM.
Mes principales missions étaient d’envoyer les émissions en avance aux journalistes pour qu’ils puissent rédiger leurs articles. J’ai également réalisé des extraits vidéos pour promouvoir les programmes des chaînes du groupe sur les réseaux sociaux et écrit des résumés de séries pour la presse. Cela ne faisait pas partie de mes missions mais j’ai également pu rencontrer et discuter avec des célébrités, c’était un petit plus ! (rires).
Selon toi, quels autres moyens pourrions-nous mettre en place pour lutter contre les discriminations liées au handicap ?
Je pense que la chose essentielle c’est d’améliorer l’accessibilité. À l’ISCOM Paris les locaux sont accessibles mais par exemple il y a un McDonald’s dans une rue juste à coté et comme il y a une marche pour entrer, je ne peux pas y accéder.
Pour avoir eu l’occasion de voyager dans ma vie, je trouve que la France est très en retard sur l’accessibilité. Il y a toujours une marche qui m’empêche d’entrer, ou un escalier, ou une porte trop étroite.
À Paris, par exemple, au niveau des transports en commun, je ne peux ni prendre le métro ni certaine ligne de RER. Lorsque qu’officiellement je peux, il arrive souvent que l’ascenseur d’une gare soit en panne, ou que la rampe du bus soit hors-service. La majorité de mes déplacements se font donc en taxi.
Je pense qu’il est également important de dire que le handicap, ce n’est pas que des moments tristes, loin de là. Alors oui, il nous arrive de traverser des moments que les personnes « valides » n’ont pas à affronter au quotidien mais malgré cela, je me bats pour avoir la vie la plus normale possible. Par exemple, je fais du Foot-Fauteuil à haut niveau et j’ai été sélectionné en Équipe de France il y a peu. Je veux normaliser et dédramatiser le handicap.
Je suis certain q'organiser des sessions de sensibilisation au handicap dans l’année, comme celles faites pour la prévention en lien avec la drogue ou les dangers de la route, pourraient normaliser le handicap. Le but, encore une fois, ne serait pas de dramatiser la situation mais simplement de sensibiliser de manière légère les personnes non-concernées.
Photo de couverture de l'article prise par Bastien Lhéritier / FFF