Frédéric Lefret, CEO Immersive Talent Agency, membre de Influence Lab de ISCOM*
Présent dans tous les articles de la presse marketing, informatique et maintenant grand public, le metaverse est à la mode. Mais derrière ce terme et les exemples présentés, qu’en-est-il vraiment pour les marques ?
Une industrie a déjà particulièrement investi ces espaces immersifs que représentent les différentes plateformes présentes dans le metaverse : Zepeto, Sandbox, Roblox, Decentraland… La beauté à travers de nombreuses marques tente aujourd’hui d’apprivoiser les codes culturels de ces univers. En effet composées à la base de gamers, ces marques sont loin de l’univers culturel du gaming. Un univers où le temps du jeu se mêle étroitement à la vie quotidienne et jouable partout.
Ce public, très exigeant, est rejoint par les générations Z et alpha, plus proches des marques de beauté, et très techaddict. Ces nouveaux univers offerts par le metaverse, sont devenus un lieu de jeu et d’expression très prisés de ces générations de consommateurs. La preuve en est que 53 % des fans des marques de beauté ont joué ou téléchargé un jeu gratuit. 33% des GZ qui sont sur les plateformes social media ont acheté des vêtements numériques (digital fashion) sur le metaverse. 75% de la Gen Z ont acheté un article digital dans un jeu vidéo et 45 % des Z imaginent les métavers comme des centres commerciaux. 52 % d’entre-elles se disent prêtes à payer jusqu'à 49,99 $ pour un produit virtuel et 60% imaginent que les marques devraient vendre leurs produits dans les métavers.
41 % des GZ pensent que les marques devraient vendre dans les métavers, des produits numériques (Digital Fashion, NFT…) ou des produits réels. Certains consommateurs sont donc déjà présents dans ces univers ou ont hâte d’y aller.
Majeure MARQUE EMPLOYEUR ET EXPÉRIENCE COLLABORATEUR
Pour autant, que représente économiquement ce secteur.
Les métavers représentent aujourd'hui 4 % des 300 milliards $ de l'économie des jeux vidéo. Les perspectives de croissance sont immenses selon Morgan Stanley qui estime un revenu potentiel de $50 mds pour les marques de luxe. 2021 a été une année phare pour les plateformes telles que Sandbox, Decentraland, Cryptovoxels et Somnium dont le total des ventes de produits a atteint 501 millions $.
Rien que pour le mois de janvier 2022, les ventes ont atteint 85 millions $. Mais ce chiffre d’affaires représente quelles ventes et quelles expériences ?
Pour les marques de beauté, il ne s’agit plus aujourd’hui de pousser à l'acquisition de clients via le paidmedia, mais de « lancer une religion pour leur communauté! » Dans métavers, tout se joue autour de l’adhésion à un univers : les consommateurs aiment une histoire et veulent y ajouter leur propre caractère. L’univers de la marque est alors co-construit avec les clients, c’est d’ailleurs le cas pour ces marques de beauté.
Esacda qui a choisi l’expérienciel.
Exemple : l’espace virtuel créé par Escada Fragrances pour le lancement de leur nouveau parfum. Pour commercialiser Fairy Love, la marque allemande a conçu avec l’agence Pavillon Noir un espace virtuel complet sur la plateforme Roblox. Le concept est simple : un monde parsemé de rouge et de cœurs aux couleurs du flacon du nouveau parfum, et inspiré de l’univers magique des attractions de fêtes foraines. Le visiteur est donc plongé dans cette ambiance très marquée, et il est invité à jouer à des mini-jeux lui donnant accès à des collectibles (objets virtuels) aux couleurs du nouveau produit, voire gagner un flacon du parfum (physique, évidemment).
Il peut ensuite utiliser ces collectibles pour habiller son avatar, ce qui permet d’augmenter le reach de la campagne au-delà des personnes ayant visité Fairy Love Land.
RookPerfume, la co-création
Exemple de la maison de parfumerie britannique RookPerfumes, qui est en train de créer une nouvelle fragrance appelée "Scent of the Metaverse ». Afin de coller au maximum à l'esprit de collaboration du métavers, elle crée ce qu'elle appelle la première "DAO de parfum" (DAO en français organisation autonome décentralisée – decentralized autonomous organization), dans laquelle les participants achètent un jeton non fongible (NFT).
Les acheteurs des 100 NFT de Scent of the Metaverse participeront à une expérience de quatre mois, constituée de conversations sur l’application Telegram, des sessions d'apprentissage, des jeux interactifs, des voyages dans le Metaverse et - si le COVID le permet - des événements physiques.
À la fin de l'expérience, les détenteurs de NFT recevront un flacon du parfum (avec une NFT de l'étiquette conçue en collaboration). Ils bénéficieront également des droits de co-création du parfum, qui leur rapportera des royalties sur les ventes de parfum s'il est mis en vente.
Prada, la muse virtuelle
Pour la première fois au monde, Prada présente Candy, une muse virtuelle qui est aussi l’égérie d’un parfum.
Née suite à une distorsion de la réalité, Candy est aérienne, portée par le besoin constant de remettre en question, de se connecter et d’évoluer. Inspirée par l’univers de TikTok, une série de courts-métrages réalisée par Nicolas WindingRefn et capturée par le photographe Valentin Herfray met en scène la rencontre entre un parfum physique, Prada Candy, et une muse virtuelle.
Estée Lauder, le metaverseselling
Maison TooFaced, « expérience de vente au détail unique en son genre composée d'un environnement virtuel à 360° ». Les acheteurs sont invités à découvrir un monde entièrement marqué et ludifié de beauty shopping, avec des jardins interactifs remplis de produits de héros, des mascottes de marque avec lesquelles interagir, ainsi que la possibilité de participer à des jeux pour capturer des codes de réduction.
Clinique, les NFT
NFT est inspiré des produits iconiques : Black Honey et MoistureSurge où on incite les consommateurs, membres du programme de récompense Smart Rewards, à partager des contenus liés à la thématique de l'optimisme via Instagram, TikTok ou encore Twitter.
A remporter : un assortiment annuel de produits durant les dix prochaines années, ainsi qu'un exemplaire des 3 NFT Clinique disponibles. Plus d’une quinzaine de marques sont déjà dans le metaverse pour tester et expérimenter le retail 3.0.
Que peut-on en déduire à travers ces premières tentatives des conditions de réussite sur le metaverse.
Tout s’articule autour de 4 fondamentaux :
- la Fanbase
- l’Usage
- l’Interactivité
- La Connexion avec le réel
Avec une conséquence prévisible, la construction d’une économie désintermédiée.
Pour autant, tout n’est pas si simple.
En effet, le principal frein aux expériences actuelles c’est la technologie utilisée :
- Le temps de chargement et le poids des objets.
- Le consommateur n’a pas forcément un ordinateur de gaming ou une console de jeu dernier cri.
- Certains échecs récents le démontrent, l’usage doit être facile et sans blocage technologique.
A l’avenir les marques devraient :
- S’appuyer sur leur propre métaverse pour multiplier les séances de live shopping, car problématique d'interopérabilité
- Virtualiser à la vente les produits réels
- Virtualiser les produits réels pour une utilisation virtuelle
- VIPiser une relation client avec accès NFT
- Proposer des évènements avec une interactivité avec les égéries
- Placer leurs produits sur les expériences immersives
- Co-créer avec NFT de nouveaux produits avec les consommateurs + personnalisation
- Développer les expériences ludiques et immersives
- Accroître les tests produits
- Qualifier davantage les data
Ces opportunités 3.0, notamment pour les marques de beauté, doivent s’acculturer aux codes de ces nouveaux univers immersifs. Ce sont des univers particuliers qu’il faut comprendre pour éviter la viralisation de badbuzz sur des expériences ratées ou simplement sans plus-value.
*CEO d’Immersive Talent Agency (stratégie d’usage dans le Métaverse (NFT, avatar, blockchain… et gestion des talents). Consultant en stratégie de marketing digital (compol, retail…). Enseignant en marque digitale à ISCOM.