L’interview avec Adélaïde Chassort, directrice adjointe de Zenith.
Mars 2022
Bienvenue à Adelaide, merci d'être là ! Adélaïde Chassort vous êtes la directrice adjointe de Zenith qui dépend de l’agence Publicis média et vous êtes également co-fondatrice de Positive Media Project . Notre sujet c’est le digital responsable à l’épreuve de la performance. C’est un sujet qui va particulièrement intéresser nos étudiants puisqu’ils sont en 5ème année en Communication Digitale à l’ISCOM.
On va commencer avec notre première question : Vous qui êtes dans le monde des agences depuis plus de 10 ans, comment en êtes-vous venu à la communication responsable ?
C’est venu d’un questionnement personnel qui a été un peu chamboulé par les questionnements qu’on avait avec nos clients, qui eux-mêmes avaient pas mal d’injonctions sur le fait de communiquer sur leurs engagements, et leur transformation en termes d’innovations... Et en fait quand on travaille avec cet accompagnement là, on va vraiment sur du travail tel que la raison d'être à du lancement d'innovation, à même des événements, bah le questionnement que ces clients ont en fait, il nous renvoie à un questionnement personnel. Et en fait, on parle beaucoup de RSE, mais moi le questionnement personnel c’est ma responsabilité à moi, personnellement, dans tout ça, qu'est-ce qu’elle est ? Et donc je suis passée par une formation. Parce que sur ces sujets RSE j’ai vraiment voulu connaître ces sujets très techniques et particuliers avec des expertises qu’on ne maîtrise pas forcément. Et donc la formation que j’ai faite en continu de mon travail qui est un MBA en RSE et en performance des organisations, m’a permis d’appréhender tout un univers que je ne connaissais pas et que j’ai voulu mettre en pratique dans mon métier de tous les jours.
Merci Adelaide, pour notre deuxième question, nous voulions savoir : Sous quelle forme se traduisent les actions de communication responsable au sein de Zenith ?
Au sein de Publicis Media, nous on est plutôt sur la fin de fenêtre de la communication. Vous avez les agences de production, de création de contenu… et nous on est sur la diffusion. Nos engagements ont pris forme en interne sous cette initiative qui s'appelle le Positif Media Project, qui est un groupement d'annonceur de régie de solutions d'experts internes. Tout le groupe Publicis est dans cette initiative. On s'est dit, comment est-ce que on peut répondre à ces sujets-là, qui sont extrêmement complexes ?
En fait, on est tous concernés et on ne sait pas trop qui va avoir la bonne réponse. A partir du moment où on demande quelque chose à une régie, par exemple de faire une mesure d'empreinte carbone, il faut nous-mêmes qu'on connaisse l’entièreté de la chaîne de valeur. Il faut que l'on sache si l'annonceur lui-même est prêt à décortiquer tout ça.
Donc concrètement, ça a pris la forme de cette initiative. C'est la façon de faire émerger les problématiques et la façon dont on travaille ensemble derrière. Derrière ça, concrètement, ce qu'on voulait avec le Positive Media Project c’est "Avoir des solutions". On n'est pas seulement un groupe de travail, on est pas seulement un Think Tank. On est des personnes qui travaillent sur des sujets de communication et on voulait pouvoir les appliquer directement à nos métiers.
Il en est déjà à son deuxième cycle. Le premier avait adressé la pollution numérique. Le deuxième avait adressé la défiance publicitaire. Concrètement, à l’issue du premier groupe, on a eu des solutions qui sont des solutions très concrètes. Premièrement une campagne de sensibilisation à la pollution numérique. En fait, tous les régimes partenaires ont pris l'éditorial et les études pour les mettre en avant pour se dire « mais en fait le consommateur n'est pas au fait de ces sujets-là ». Donc avant de les adresser, par exemple en disant ma pub elle éco diffusé, Il faut déjà essayer de d'adresser le point de la pollution numérique au consommateur.
La deuxième solution c'est nous dans notre pratique de ce Positive Media Project, on a eu des Guidelines pour faire de la vidéo en ligne plus responsables. Il y a des critères qui sont : le poids des créations, les assets, la façon dont elle est diffusée, les devices sur lesquels s'est diffusée, les moments de la journée en fonction de l'énergie plus ou moins carbonée… Tout ça fait que dans le pilotage même de la campagne, on a des guidelines qui ont été écrites et qu’on a transféré aux traders. Et enfin la dernière chose je dirais, c'est qu'en fait ce sujet de la RSE, ça concerne vraiment tout le monde. Ce qui fait que nous, on s'appuie sur des ambassadeurs dans tous nos pôles d'expertises, qui eux-mêmes font remonter des problématiques et qui nous aident à creuser ces sujets-là.
Pour notre troisième question, nous voulions savoir : Selon vous, comment réconcilier l'approche très ROIste des agences à la communication responsable ?
C’est un vaste sujet ! Dans le cadre RSE il existe une notion business et donc de performance. À la base, on nous confie dans notre métier un budget pour être performant au regard d'une cible qu'on a adressé. Ce sujet de la performance est un credo que l’on porte depuis déjà un moment chez Zénith et Project Media qui s'appelle la performance responsable. Stratégiquement, pour adresser ce point, il ne faut pas vendre au-delà de ce qu'on est capable de faire : c'est-à-dire faire des plans plus responsables avec peut-être une empreinte moindre ou une logique solidaire dans la diffusion de la pub pour améliorer la performance. Ce n’est pas ça le sujet, le sujet c'est d’assurer la performance en faisant aussi bien mais avec un impact moindre. C’est d’ailleurs quelque chose que nous avons mis à plat notamment dans le PMP car le fait de discuter avec des annonceurs ou des régies permet de prendre les points de vue de chaque entité et les résultats business attendus (les régies ont des volumes de diffusion de publicités à vendre par exemple), donc il faut que chacun y trouve dans son écosystème le business idéal. Dans ce cadre, nous nous devons donc de faire la jonction et d’assurer une performance avec ces critères qui sont définis en amont. Nous nous sommes donc rendus compte lors d’un test dans le cadre d’une deadline vidéo, qu’une campagne qui était pilotée de manière éco diffusée, on arrive tout de même à maintenir la performance media et business mais en revanche avec une empreinte environnementale moindre. Cette équation est hyper intéressante à adresser à mon sens.
Nous avons une autre question pour vous : Quels sont les obstacles auxquels vous avez fait face sur la mise en place des actions de communication responsable ?
Alors mes obstacles, le premier, il y a un obstacle à mes connaissances et de sensibilisation sur les enjeux. Parce qu’en fait, derrière le terme de responsabilité derrière la RS en en tant que telle, les sujets sont extrêmement vastes. Nous, quand on a voulu les adresser, notamment lors du premier cycle, on s’est dit, par où on commence quoi ? Entre l’environnement, l’aspect solidaire, l’aspect social, l’aspect sociétal. Enfin notre agence, quelle est l’empreinte ? Et puis après ? Il y a tous les sujets sociétaux d’inclusivité, de diversité. Donc le premier obstacle c’était déjà de se dire, qui connaît quelque chose là-dedans ? Qui sont les experts ? Sur quelles ressources on peut s'appuyer et quel est le combat qu’on veut mener et prioriser. Parce qu’il vaut peut-être mieux commencer par adresser un sujet, bien le faire et surtout avoir des choses concrètes plutôt que vouloir se déployer sur tout et ne pas avancer. Voilà de manière factuelle, avec des impacts dans notre métier de tous les jours et donc c’est c’est là où on s’est dit, on va commencer par le digital.
Le 2e obstacle en fait, par rapport à ça, donc de se dire déjà par où commencer. C’est une fois qu’on avait choisi notre angle d’attaque, qui était d’abord le digital et la pollution numérique. En fait, on a mis le doigt dedans et là on s’est dit Oh là là là, la chaîne de valeur, elle est hyper complexe. En fait, il y a tellement d’intervenants, de A à Z, sur la façon dont est diffusée une pub. Nous ça nous a vraiment obligé à se poser la question d’être responsables en fait au-delà de simplement notre métier. Il y a une notion qui est très importante en RSE, ce qu’on appelle la responsabilité élargie du producteur. En fait, quand une entreprise lambda met sur le marché, disons, Coca-Cola des canettes. Derrière ça, elle est responsable en partie par un symbole, de toute la filière de tri, du recyclage de la canette. Et elle participe à un fond qui permet en fait d’organiser les filières de recyclage. Et en fait, cette notion de responsabilité élargie du producteur, qui est de plus en plus adressée, est de plus en plus prise en compte. On s’est dit que c’est intéressant cette responsabilité élargie, la nôtre ne s’adresse pas seulement à ce petit bout qui est la fin de chaîne où récupère mon assiette créative et puis je la balance sur mes réseaux, mes Networks en télé, en affichage… En fait c’est pas suffisant de réfléchir comme ça, on est obligé de travailler avec l’ensemble de la chaîne de valeur qui est en amont mais qui est aussi après. Voilà je vais utiliser data Center, des Networks, mon stockage ou est ce qu’il est, ma création comment est-ce qu’elle est faite ? Le poids sur les serveurs… tout ça fait que l’obstacle, c’est de se dire comment est ce que j’arrive à décrypter cette chaîne de valeur ?
Et le dernier obstacle, c’est le temps, le temps. C’est qu’il va y avoir des métiers maintenant, même dans nos métiers de communication qui sont focus sur la responsabilité, on a des responsables RSE. Enfin, il y a des métiers qui se forment, mais quand on a commencé, nous maintenant, ça fait plus de 2 ans et demi. C’est des réflexions qu’on mène, en plus de notre travail de tous les jours et ça a pas été facile à gérer parce que du coup bah il faut faire son travail au day to day et en même temps, adresser ces sujets là.
Merci Adélaïde, nous avons une dernière question : Quels sont les intérêts des entreprises à faire de la communication responsable ?
Les entreprises ont intérêt à faire de la communication responsable. Il y a plusieurs intérêts, le premier est que chaque entreprise a un rapport extra-financier RSE où les engagements y sont publiés avec des objectifs. Il y a beaucoup de débats, comme vous le savez, au sein même de la communication avec la neutralité carbone, sur ce qu’on a le droit de dire et de ne pas dire. Il y a un très bon rapport de l’Ademe qui vient de paraître à ce sujet. On doit communiquer là-dessus car aujourd’hui les consommateurs voire même les citoyens nous demandent plus de transparence. lls souhaitent donc comprendre, savoir quelle est la chaîne de traçabilité ainsi que les ingrédients qui sont utilisés. Les annonceurs nous ont demandé comment mettre en exergue ces messages avec nos métiers en agence pour prôner leurs engagements. Sur la partie médias, on s‘est dit, on doit diffuser le contenu mais c’est dommage car on ne va pas au bout de l’exercice. On doit aller plus loin sur le sujet même des tuyaux. Par exemple, le groupe L’Oréal a fait de gros efforts avec Impact Plus en mettant en avant un livre blanc sur l’empreinte nuémrique. Ils ont commencé à mesurer la conséquence et l’impact des tuyaux sur les médias. C’est la volonté de l'entièreté de la chaîne de valeur. Ils nous ont demandé notre avis et on leur a dit que c’est intéressant pour changer les choses.On les convainc avec des canaux de diffusion responsable et en leur montrant des preuves avec le test, ”test & learn”. On a fait des tests avec des campagnes éco-conçues et on a remarqué s’il y avait ou non des pertes de diffusion, wifi par rapport à une campagne classique. Et ce qui est très intéressant, en pilotant les deux, on a remarqué que les performances médias et branding étaient les mêmes. Donc, on préserve la même qualité de performance mais avec un pilotage qui nous permet d’avoir une empreinte carbone moindre.