L’interview avec Serge Orru, président du conseil d’orientation de l’Académie du Climat.
Mars 2022
Bonjour Serge. Vous êtes actuellement Président du conseil d’orientation de l’Académie du Climat. Pour commencer, pouvez-vous nous présenter l’Académie du climat et nous expliquer pourquoi elle a été créée ?
Serge Occru : L’Académie du Climat a à peine 7 mois. Elle existe dans l’ancienne mairie du 4e arrondissement, place Baudoyer. Je vous y convie car c'est un lieu pluridisciplinaire qui accueille toute la jeunesse sur des questions environnementales, sur comment inventer une économie qui ne détruise pas les générations futures. C’est donner de l’information, de la science aux classes, aux jeunes mais aussi aux moins jeunes car je crois que cette éducation doit se faire à tous les âges. Notre cible principale est cependant la jeunesse.
Bien sûr, c’est formidable de manifester, d’amener des slogans qui fassent réfléchir mais il est aussi important d’avoir les armes scientifiques pour pouvoir dire qu’il existe la possibilité d’une économie non prédatrice de l’environnement, du climat et de notre santé.
C’est une grande première : cela a été voté à l'unanimité au Conseil de Paris en 2019. Cela a été une volonté d’Anne Hidalgo, la maire de Paris. L’Académie fonctionne très bien, il y a une ambiance chaleureuse. J’y étais hier avec le rectorat et la directrice de l’Académie, Sarah Alby, et nous avons assisté à un travail de réflexion sur l’installation de nichoirs dans la ville. C’est un travail à 360 degrés pour présenter des axes de travaux d’une manière éducative, joyeuse et festive parce que vous savez très bien qu’il faut de la chaleur humaine pour avancer dans notre cause.
Alors, venez vite ! Provoquez votre prochain événement chez nous : vous y serez les bienvenus !
Nous voulions savoir, au regard de votre expérience, comment faire aujourd’hui pour avoir une communication efficace, amenant une mobilisation forte ?
Serge Occru: Je crois que la mobilisation est toujours importante mais, regardez, depuis tant d’années nous disons la même chose, nous les écologistes et ceux qui veulent d’un autre avenir que la fatalité qu’on nous présente aujourd’hui. Je crois que c’est par l’exemple des actions, qu’on arrive à démontrer qu’un autre monde est possible. Dire “il n’y a qu’à”, “faut qu’on”, ça c’est trop facile. L’alarme est importante, mais l’exemple l’est d’autant plus, et je crois qu’il y a des exemples dans les associations, dans les collectivités, dans le monde de l’entreprise qu’il faut présenter davantage.
C’est ce que nous essayons de faire à l’académie du climat : par exemple, vous avez un lieu sur l’ensemble du bâti parisien où nous démontrons sous différentes formes de constructions, comment on peut isoler correctement tout ce bâti, et là c’est un exemple concret. Je crois beaucoup à la concrétisation de notre pensée. Cela demande de la connaissance mais il faut aussi absolument pénétrer le monde de l’entreprise. L’entreprise, ce n’est pas l’empire du mal, donc il faut impérativement qu’on arrive à polliniser toutes nos idées au sein du monde de l’entreprise et au sein des décideurs politiques. Il faut aussi, déjà, apprendre à choisir nos décideurs.
J’espère avoir répondu à votre question, c’est donc par l’exemple. Il y a des exemples formidables un peu partout. Hier, je regardais une créatrice qui fait des meubles en carton recyclé d’une grande qualité et très solides. Ce sont des exemples qu’il faut davantage promouvoir.
Le service public et les entreprises se mobilisent-ils assez, selon vous ? Quel type de mesures pourrions nous imaginer pour communiquer de manière efficace sur l’urgence climatique ?
Serge Occru : Le service public et les entreprises n’en font pas assez. Les cadres du SP et du monde de l’entreprise ne sont pas formés face aux enjeux du péril climatique. Les grandes écoles, d'ingénieurs, de commerce ne forment pas nos cadres à ce jour à comment on invente une industrie, un commerce, des échanges commerciaux qui ne soient pas un prédateur pour la biodiversité, pour le climat et pour notre santé humaine. Il y un gros travail de formation à réaliser.
Regardez ceux qui sortent de L’ENA, ils ne sont pas formés à nos sujets. J’ai eu l’occasion de faire des conférences dans ces lieux et j’ai été choqué de voir que je parlais à des jeunes qui vivent avec un monde ancien dans la tête. Nous avons un président de la république aujourd'hui qui est un homme jeune, cultivé, intelligent et qui sur ces sujets là est largement dépassé. Mais dans les autres partis politiques aussi c’est dramatique. Il n’y a pas les propositions nécessaires. La France est un pays d'ingénieurs, nous avons de grands ingénieurs en France . Un ingénieur c’est ingénieux et si on donne à nos ingénieurs des paramètres, pour dire, on doit sortir des énergies fossiles, on doit pas impacter sur la biodiversité, on doit aborder l’économie du plus faible impact sur l’environnement, ils vont trouver ! Parce qu' on a des ingénieurs extraordinaires en France donc il faut promouvoir je dirais cette nouvelle révolution française, il faut créer un big bang écologique.
Le GIEC vient de sortir un rapport dans la clandestinité. Très peu de gens ont lu ce rapport, et il est très intéressant il aborde les enjeux et les solutions. Nous avons aujourd’hui une guerre qui va créer une crise énergétique énorme donc nous sommes pris en tenaille entre ce rapport de GIEC et cette crise énergétique qui va aussi provoqué les prix sur l’alimentation, le blé sur les matériaux de construction il va y avoir des flambées des inflations incroyables donc nous devons profiter de cela pour créer ce big bang écologique, pour créer une nouvelle économie. Pour dire on va créer leur 1 de la nouvelle ère sans fossile, ça fait des années qu’on devrait faire cela. Bon à chaque fois vous avez les gens de Bercy qui vont dire que c’est pas possible économiquement donc il ne faut pas se laisser faire et qu'on puisse indiquer la voie à suivre c’est vous qui allez la démontrer, avec l’aide des boomers en tout cas ce qui ont envie d’un autre monde.
Vous parliez d’économie, j’ai justement une question là-dessus. Vous êtes porte parole actif de l’économie légère, un concept pas encore connu de tous aujourd'hui je pense. Est ce que vous pourriez nous le présenter, nous expliquer comment le développer de manière concrète et aussi quelles mesures il faudrait mettre en place pour développer cette économie légère.
Serge Occru : Dans le prolongement de notre précédente conversation, alors l’économie légère est un concept qui a été inventé par un homme extraordinaire mais hélas disparu c’est Thierry Kazazian, un grand designer qui a notamment sorti un livre, que le WWF avait soutenu grandement à l’époque. Il y aura l'âge des choses légères, un très beau livre avec des exemples concrets et donc ça c'était dans les années 2005, 2006 et l’économie légère comme c'était un designer lui il travaillait l'éco conception c’est-à-dire comment on créait n’importe quel produit avec l’éco-conception c’est à dire qu'on analyse d’entrée son impact et dans l’extraction des produits dans la fabrication et dans son cycle de vie et dans sa fin de vie. Aujourd'hui on travaille sur la fin de vie des produits, le recyclage .. mais tout ça coûte très très cher et avec des pollutions énormes. Quand vous allez recycler des piles aujourd’hui, il faut utiliser beaucoup de produits chimiques.
Donc, il faut travailler en amont, c’est vraiment un travail des Nations Unis. Ça dépasse la France. Je rappelle qu’en France nous avons été capables d’inventer les droits humains, en tout cas la Déclaration des Droits de l’Homme. La France peut donc parfaitement proclamer la Déclaration de l'Écoconception pour l’ensemble des produits, en espérant que cela puisse se propager au monde entier. En effet, je le rappelle les designers, les ingénieurs ont cette créativité, cette ingéniosité là et peuvent mettre en œuvre l’économie légère, qui est une économie du moindre impact, du plus faible impact sur le climat, sur la biodiversité, sur notre environnement immédiat et lointain et sur notre santé.
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Vous savez très bien que notre manière de produire et de consommer atteint notre santé : le nombre de cancers, d'asthmatiques, de maladies graves issues d’un mauvais environnement n’est pas une légende. C’est une réalité et cela coûte vraiment cher à la collectivité, en programmes sociaux et coûts humains. Sur n’importe quel produit que ce soit une fusée, une table, il faut travailler l’éco-conception et ça c’est vraiment la créativité. Nous sommes nés pour inventer. Nous sommes nés pour inventer un monde meilleur. Nous ne sommes pas sur la planète pour plastifier tous les océans, pour détruire toutes nos forêts, pour avoir un air pollué et avoir des produits chimiques dans nos sols. On n'est pas venus sur Terre pour ça.
Donc vive l’économie légère, quitte à la développer ! C’est naissant ! C’est par l’économie qu’il faut agir ! C’est l'économie qui pose problème : on ne peut pas vivre parmi les prédateurs économiques, faire régner la cupidité et vouloir un monde où les oiseaux chantent. Nous voulons un monde économique, industriel où les oiseaux chantent !
Est-ce que vous sentez aujourd’hui que les nouvelles générations sont plus concernées et touchées par l’urgence climatique ? Si vous aviez un conseil à nous donner, quel serait-il ?
Serge Occru : Oui parce que vous êtes davantage informés, même s’il y a toujours des climato-sceptiques partout autour de nous, même si nous entendons toujours dire “non c’est pas possible, non ça coûte trop cher”. Le conseil que je vous donne est de vous impliquer, de devenir vous-même des décideurs économiques, politiques, associatifs et justement démontrer par l’exemple qu’un autre monde est possible et si justement vous ne souhaitez pas devenir des décideurs économiques ou politiques, alors à ce moment-là choisissez-les !
Aujourd’hui, on ne parle pas d’avancées écologiques dans la campagne présidentielle actuelle par exemple, je n’ai pas cette impression là. L’on parle de “Grand remplacement”, j’aimerais bien que l’on remplace plutôt notre incurie écologique par une dynamique écologique et je me répète, il faut que nous puissions créer ensemble un big bang écologique. Bien sûr que l’avenir est entre vos mains, vous avez l’intelligence et la force pour porter cela. On sera là aussi, les générations qui vous précèdent, pour vous aider parce que l’on croit énormément en vous. Mais jusqu’au bout il nous faut passer le relai à d'autres. Vous aurez forcément une autre manière de faire car chaque temps implique une différente manière de voir et de faire les choses. Ce qu’il ne faut surtout pas faire, c’est opposer des générations de gens qui pensent pareil, cela est peu utile. Il faut créer des coalitions, il faut s’assembler, se rassembler. Il est vraiment temps que les gentils se rassemblent.